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Qui sont les anti-Brice de Nice ?

Ils défendent un surf authentique, originel, loin des clichés de l’arriviste parisien ou du performer sur vague géante.

Le printemps est encore timide et frisquet sur la Côte Basque. Ca boit des bières et le rosé se pointe avec les rayons de soleil, les surfeurs sont à l’eau et les frileux les regardent, entre émerveillement et incompréhension totale. Parmi eux, Robin Falxa (prononcez “Falcha” et évitez de vous découvrir une tare orthophonique tout en ayant l’air un peu Basque) et Margaux Arramon-Tucco, enfants du pays et surfeurs depuis l’enfance, observent leurs potes et leurs moins-potes sautiller de vagues en vagues. Ils sont accompagnés de Jules Viard, parisien fraîchement débarqué à Bidart, nouvellement shaper (prononcez “shépeur” et évitez d’avoir l’air con) et qui est venu dans le coin monter sa propre marque de planches : Soft Violence. En totale novice du surf et de sa culture, j’ai appris tout un tas de choses.

Jules dans son atelier de Bidart

A l’origine, il y a le longboard.
C’est précisément ce que pratiquent Robin et Margaux, dans sa version classique : oubliez les figures spectaculaires et les mouvements brusques, les long-boarders sont des genres d’artistes de la vague, des chats, agiles et élégants, sur une planche qui rase la houle. La planche justement est “lourde, épaisse et avec une dérive seulement, contrairement à ce qu’on appelle “longboard moderne” qui est beaucoup plus légère et a deux petites dérives en plus qui permettent des manoeuvres plus agressives”, explique Margaux. “Le longboard a été conçu dans les années 60′ et de telle manière à ce qu’on puisse marcher dessus et aller “au nose”, c’est à dire au bout de la planche et ainsi reconstituer tout un panel de figures qui restent fonctionnelles : tu marches sur ta planche et la façon de marcher va pousser de l’eau d’un certaine manière, un peu comme un bateau. Aujourd’hui, avec les shapers, on continue l’évolution de ce longboard là”.


Margaux Arramon-Tucco, au nose. Photo Bastien Bonnarme

L’idée du longboard c’est d’être libre, de créer du mouvement en composant avec la nature, l’état de l’océan et du vent, des marées et des vagues. Passer la journée à la plage avec ceux-là, c’est observer, beaucoup, jauger la vague et se décider, ou non, à aller à l’eau.

“Ce n’est ni un sport, ni un loisir : t’y vas tous les jours parce que t’en as besoin et parce que t’aimes ça, c’est une manière de s’exprimer, c’est chaque fois une nouvelle création” Margaux Arramon-Tucco

Bien que leurs corps -cuisses fuselées et six packs bien fermes- disent autre chose, ils ne se considèrent pas athlètes. Il faut penser exercice de style, posture et surtout lifestyle. Comme les inventeurs du surf et du style en question, Robin et Margaux sont artistes. Le premier dessine et peint quand la seconde a lancé sa marque de pantalon NUE et peint également. La coloc de Margaux, Justine Mauvin, n°11 mondiale poursuit, elle, une carrière de musicienne. Tous ici vivent de leur sponsor (RVCA Europe et Roxy) et de leur production, autrement dit : de surf et d’art, la belle vie.

“Pour les premiers longboarders, c’était plus un art et un art de vivre qu’une discipline. Et puis c’est devenu argent, compétition et business”. Robin Falxa


Robin Falxa. Photo Weekendislands


Un artwork de Margaux

Et puis il y a les autres.

Les short-boarders, eux/elles, plus baraqué.e.s, suivent un entraînement d’athlète : le surf est bien plus un sport qu’un état d’esprit. Ici la compétition a remplacé le rapport à la nature et le plaisir pur par des entraînements psychologiques et physiques intenses.
Il y a aussi le côté sponsor, marques, labels, tout ceux qui ont connu le surf à son apogée, époque Beach Boys, et “y ont vu un moyen de faire des thunes, comme avec un sport” constatent les deux acolytes.

“Le pire, c’est les wanabees”

Et il y a ceux qui font du longboard sans trop savoir ce qu’ils surfent et qui dénaturent le propos. “En fait, tout s’est dirigé vers la performance, les planches se sont raccourcies pour surfer des vagues plus grosses avec plus de facilité” explique Robin, “et le longboard, comme manière de vivre est passé aux oubliettes” ajoute Margaux. Le surf a été pas mal médiatisé, les planches sont très belles, forcément, ça fait envie et monsieur Tout-Le-Monde se l’est approprié “alors qu’il n’y a pas si longtemps on était un petit groupe de potes à la Côte des Basques, on avait l’impression d’être seuls au monde à faire ça, on achetait des DVD de surf de Californie ou d’Australie pour apprendre et comprendre ce que c’était”. Les deux surfeurs dénoncent surtout le manque de curiosité et de créativité de ces nouveaux pratiquants “ils ne connaissent rien, ils veulent surtout raconter qu’ils sont allés surfer, point”, alors que le surf a surtout à voir avec la communauté et le partage. “Ca peut paraître paradoxal mais quand je surfe je cherche l’esthétisme sans pour autant avoir jamais eu envie ou besoin de le montrer” raconte Robin, en opposition avec le côté show-off dont Brice de Nice est le fer de lance caricatural.

“Quand tu vas à l’eau, c’est comme si tu allais en ville, y a tout le monde et faut se débrouiller avec”. Robin Falxa

Sans pour autant garder jalousement leur côte et leur passion, Robin comme Margaux se placent en fiers défenseurs de ce qui les animent et qu’ils souhaitent conserver intact, une belle idée du surf comme culture et comme joyeuse bande.

Agathe est sur Instagram @ag_rou
Photos Agathe Rousselle