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[ITW] Fishbach

Découvrez l’interview de Fishbach réalisée par POP à l’occasion des Transmusicales 2016.

Qu’est ce qui a changé depuis que tu n’es plus seule sur scène ?

Avant j’avais des bandes sonores, c’était limité, bridé sur le plan technique et mélodique. Avec mes musiciens c’est beaucoup plus libre, on peut faire vivre les morceaux, on  avance, on se regarde, on ajoute de la tension, ça vit et ce, même avec les fautes, les erreurs qu’il peut y avoir. Maintenant, j’ai le temps d’amener plus de théâtralité sur scène, je porte une grande attention à ma gestuelle. Je joue d’avantage sur la vélocité et les nuances de ma voix. Je peux passer rapidement d’une voix de petite fille mignonne à celle d’une femme qui a envie de mourir sur scène. Sur scène, je peux être toutes ces femmes là.

Il y a une certaine complicité qui se développe avec mes musiciens sur scène. Ce ne sont pas juste des musiciens de session, ce sont des amis qui une  fois sur scène peuvent prendre plusieurs dimensions, plusieurs rôles. Mon pote Alexandre par exemple peut être mon père, l’homme sur lequel je fantasme, Michèle peut être ma meilleure amie, la femme que je jalouse ou que je rêverai d’être. Il y a une infinité d’interprétations possibles et dans chaque tableau, on se déplace, on évolue sans cesse. C’est en ça que c’est beau, parce que ça nous pousse à être créatif en permanence.

Il y a un truc en revanche qui n’a pas changé par rapport à avant. J’aime prendre le temps de voir qui dans le public veut jouer avec moi. Je me pose, je regarde, j’observe et je cherche mon public. On le fait ensemble ce spectacle. Ce n’est pas seulement mes musiciens et moi sur scène, c’est un tout. Le public fait partie intégrante du live. J’ai envie qu’il se fasse sa propre histoire en interprétant mes paroles, en écoutant ma musique.

Qu’est ce qui restera de cette création, de ce live dans tes prochaines dates de 2017 ?

Je n’ai pas voulu construire ce live comme une capsule à part entière. Dans l’idée, j’aimerai que cela continue avec les mêmes musiciens car je les aime et on a beaucoup travaillé ensemble. Ici on est dans un théâtre, j’ai emmagasiné le fait que les gens nous regardent d’au-dessus, il faudra adapter la scénographie lorsque l’on sera dans une salle plus classique. On ré-envisagera les volumes lorsque l’on jouera dans des plus petits espaces, personnellement j’aime être proche du public. Lorsque l’on jouera dans des festivals cet été, il n’y aura pas de lumière. On ajustera ce live en fonction des conditions et le public s’adaptera en fonction du contexte dans lequel il se trouve. Cela demande d’être créatif en permanence. Personnellement, je ne demande que ça : toujours réfléchir, remettre en question, créer des nouvelles choses.

Qu’est ce que représente Rennes et les Transmusicales pour toi ?

Les Transmusicales pour moi, c’est avant tout une superbe rencontre avec Jean Louis Brossard, programmateur et co-fondateur du festival. C’est une mise en avant exceptionnelle, une véritable confiance, j’ai de la chance.

Rennes est toujours un super rendez-vous. J’ai joué ici avec mon premier groupe de punk lors du festival Bars en Trans il y a quatre ans. Je suis revenue aux Bars en Trans l’année dernière, cette fois-ci toute seule. C’était la première fois que je bossais avec Frédéric Pioli, l’ingénieur lumière qui est avec moi en ce moment.

Je pense que les professionnels de la musique restent avant tout des passionnés, des personnes dotées d’une hyper-sensibilité. Que cela soit Jean Louis Brossard, l’équipe des Bars en Trans ou même vous qui prenez le temps de venir m’écouter parler, c’est toujours un honneur, un privilège d’être ici, MERCI !

Quand tu rentres sur scène, est-ce que tu es une boule d’énergie prête à rugir ?

Je suis toujours en tension mais je me contiens pour essayer d’être le plus juste possible. J’essaie de déverser toute mon énergie au moment propice.  Parfois pas besoin de trop en faire, il peut y avoir aussi beaucoup d’énergie dans des gestes lents, dans des choses très maitrisées. Je pense que la puissance du geste a du sens. Il faut aussi savoir se retenir pour avoir plus d’impact par la suite.

Les gens qui ne pleurent jamais devant les autres et qui ne montrent pas leurs émotions sont souvent les plus sensibles. Je pense que j’en montre beaucoup sur scène, j’essaye de trouver un équilibre. Il s’agit de créer des contrastes, de mettre en avant les temps forts par des temps calmes et vice versa.

Est-ce qu’a un moment tu te dis :  là j’en fais trop  ?

Absolument, des fois je me saoule, je me fatigue. Lorsque de temps en temps je m’observe en vidéo, je me demande : “Qui est cette femme ? Qui est cette personne ? J’ai commencé avec un projet très nerveux avec mon ancien groupe. Je disais n’importe quoi, j’étais toujours en train de gueuler, un peu fofolle…  En fait pour montrer une énergie, mettre en avant une puissance, il faut aussi savoir la canaliser.”

trouves-tu le sommeil facilement après un concert ?

Alors là, ça va être très compliqué de répondre parce que mon manager est en train de faire un ballet dans la salle… Oui, il le faut parce que le rythme est élevé. J’essaye de gérer l’énergie. Il y a encore deux jours je n’avais plus de voix, une extinction bien violente car je répète depuis un mois comme une dératée. J’y vais à fond et c’est mal… C’est un métier de chanter tous les jours, j’apprends.

Comment s’est passée l’écriture de l’album ? T’as travaillé de nouveau avec Stéphane Briat ou pas ?

Non je n’ai pas bossé avec lui cette fois-ci. La rencontre avec Stéphane (ALF) est arrivée très vite dans ma carrière, J’ai rencontré le label Entreprise, j’avais les maquettes de mon premier EP sous la main et Stéphane m’a dit « je ne vais pas être le producteur ou le réalisateur de ton disque, j’aime beaucoup ce que tu fais, on va juste pousser les boutons “. On a fait 4 titres en 4 jours, c’était très rapide, très fulgurant et quelque part tant mieux. Il a réussi à garder au mixage ce qu’il appelait mon “bouillon ardennais”. Au final, beaucoup de mes copains m’ont dit : “mais en fait ton EP, ce sont tes demos en version HD”,  j’ai trouvé ça très juste.

Pour l’album, je me suis entourée de gens qui viennent d’univers très différents, des jeux vidéo par exemple. Je voulais travailler sur la narration, savoir pourquoi faire intervenir tel ou tel synthétiseur, pourquoi faire ce pont, pourquoi prendre cette voix là. C’était super intéressant. J’ai travaillé aussi avec Antoine Gaillet qui est un excellent ingénieur son. J’ai passé des nuits à faire des prises de chants. C’était une fabuleuse collaboration.

Tu as écrit une dizaine de textes pour ton EP, as-tu repris un de ces textes dans ton album ?

Cet album est un patchwork de 3 années de chansons avec à la base : des petits morceaux inavoués, ceux que j’ai assumé sur scène et puis des choses très nouvelles.

Et du coup pour “Mortel” ?

Il y a une nouvelle version en fait. Vous pourrez la découvrir le 27 janvier. Comme j’avais tout composé dans mon ordinateur, on a juste changé le mix, la voix en l’occurrence. J’ai passé un an de tournée à chanter ce morceau et donc à le vivre de plus en plus. Je préfère cette nouvelle version qui a quelques petites subtilités.

Je ne sais pas si vous vous souvenez de La Femme et de leur morceau la Planche, ils ont sorti une première version avec Stéphane Briat et une seconde chez Barclay avec un mix différent. Tout le monde préférait l’ancienne version, c’est normal, on s’y était habitué et c’est devenu notre chanson. Peut être que les gens préfèreront la première version mais j’espère aussi qu’il y a des gens qui vont découvrir Fishbach grâce à cet album.

Ce morceau (Mortel) a une signification particulière pour toi ?

Clairement… Il s’est passé quelques chose de très bizarre. Quand on l’a sorti le 6 novembre 2015, c’était une semaine avant les attentats de Paris.  Les gens se sont appropriés le refrain qui dit : « jamais rien vu d’aussi mortel que ces tirs au hasard ». Des gens m’ont demandé si je l’avais écrit pour ça et pourtant non, je l’ai écrit deux ans plus tôt. Le morceau a pris une autre dimension car son sens premier a changé. Quand les gens s’approprient un morceau, il ne t’appartient plus, il appartient aux gens qui l’écoutent.

Le fait de voir mon public attendre ce moment et être heureux de chanter ce morceau avec moi est assez incroyable, je suis très émue à chaque fois. C’est pour cela que je le chante autrement. Il a évolué depuis et il a une nouvelle histoire maintenant.

Qu’est ce que représente la pop culture pour toi ?

J’adore ça, pour moi pop, populaire, est un un mot très important. Je viens d’une famille populaire avec un père routier et une mère aide soignante, ils faisaient des fêtes très souvent et écoutaient Émile et Image. C’est ça pour moi la pop culture, ce sont ces choses qui nous rassemblent, qui parlent à tout le monde, ce n’est pas quelque chose d’arty, au contraire.

Je parle surtout de musique mais ça concerne tous les arts, le théâtre, la peinture, le cinéma, la photographie etc. Je trouve cela très noble lorsqu’un artiste arrive à toucher un maximum de monde. Quand tu vois Christine & the Queen ou encore Stromae qui viennent de la musique indé et qui arrivent à une dimension grand public, c’est assez incroyable. Ils sont passés d’un projet très alambiqué à un personnage qui s’ancre aujourd’hui clairement dans la pop culture moderne. J’ai beaucoup de respect pour ça.

Tu dirais que ta musique est de la chanson française ou de la chanson en français ?

De la chanson en français, des chansons en français plus exactement.  La chanson française je trouve ça très noble mais je suis née en 1991 donc pas forcément à l’age d’or… Quand j’ai commencé à écouter de la musique au début des années 2000, ce qui passait à la radio c’était du Bénabard, Calogero, Zaz et personnellement je ne suis pas fan. C’était un peu compliqué pour moi de m’y reconnaître. Je me demandais : “c’est quoi la chanson française ?” On ne sait plus trop car il y a aussi Gainsbourg, Brel ou Barbara, tant de références…

Pour moi, en ce moment il y a une nouvelle scène de chanson française, petite, très indépendante. Je pense par exemple à la Femme, Jacques, Flavien Berger, Clea Vincent, Moodoïd, des gens qui sont incroyables et que je croise souvent. Ils chantent en français mais pourtant on est tous dans des projets très différents, on s’inspire des uns et des autres, on se soutient.

J’ai l’impression de faire partie d’une vraie belle scène de chanson en français, appelons là la nouvelle chanson française.

#POPenTRANS  —  #POPinRennes

 

A — M — D