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D’Alice Guy au 104, Gaumont a mille et une raisons de fêter ses 120 ans

“Depuis que le cinéma existe”. Le slogan de Gaumont, qui s’apprête à fêter ses 120 ans en août, nous rappelle que l’entreprise est l’aînée des sociétés cinématographiques dans le monde.

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Le cinéma peut dire merci aux femmes

Une enfance éprouvante

Et surtout à une en particulier, Alice Guy. Une femme pionnière dans l’industrie cinématographique, à savoir première réalisatrice, productrice et créatrice d’une société de production de films de l’histoire du cinématographe. Originaire de Saint-Mandé, petite ville francilienne aux abords de Vincennes, Alice voit le jour en 1873 et n’imagine pas encore les milliers de films qu’elle produira et/ou réalisera.

Fruit de l’union entre sa mère Marie et un indien Araucan, elle devient la benjamine d’une famille de 5 enfants. Seul bémol, les 4 autres sont du véritable époux de Marie, Emile Guy. Une infidélité qui la marquera et la tourmentera à vie, renforcée par le rejet constant de la part d’Emile. Dynamique, inquisitrice et révoltée, Alice va souffrir d’une solitude poussée à l’extrême pendant sa jeunesse, et se sentir abandonnée lorsque ses parents l’envoient au couvent.

Léon le sauveur

Poursuivant une formation de sténographe, une carrière réservée à la gente masculine à l’époque, elle se fait remarquer par un nerd avide de nouvelles technologies, Léon Gaumont. Travaillant au Comptoir général de la photographie de Paris, Léon assouvit sa passion avec réussite, celle de créer des appareils de projection, avant de fabriquer sa propre caméra.

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A ses côtés, Alice prend conscience de la beauté et de l’intérêt de l’image animée, alors que les Frères Lumières viennent de présenter le kinétoscope en 1895. Un an plus tard, elle réalise son premier court, intitulée La Fée aux choux. Les collègues de Léon sont ingrats vis à vis de la jeune femme, qui subit des injures sexistes et dégradantes au quotidien. Heureusement, celui-ci la soutient et la nomme directrice du service des prises de vue. Ainsi, elle obtient une liberté grandissante dans sa manière de procéder, et peut faire ses propres choix de mise en scène (casting, décors, scénario…). Pendant une dizaine d’années, elle va réaliser de nombreux films, jusqu’à La Vie du Christ, considéré comme le premier péplum de l’histoire du cinéma.

A l’intérieur de ses premiers courts, c’est la richesse de son imagination qui saute aux yeux. Une inspiration multiculturelle, qui provient de son ballotage à l’enfance. Profondément altérée par ses voyages, les décors sont époustouflants. Montagnes, lacs, animaux exotiques, icebergs… Tout ce qu’elle a croisé au cours de sa vie est mixée et réutilisée au sein de ses créations. Un sens artistique inné et incroyable, acclamé par Gustav Eiffel en personne.

Alice convertit les Etats-Unis au cinéma

Approchant de la trentaine, la femme au caractère bien trempé commence à attirer les convoitises des hommes. Il faut dire que sous son influence, la renommée et la créativité de Gaumont sont à leur paroxysme. Louis Feuillage s’y essaiera sans succès, alors qu’Alice tombe sous le charme d’un opérateur anglais, Herbert Blaché. Multilingue, charismatique et célèbre en Angleterre, il finit par l’épouser en 1907, avant de s’envoler vers le continent de l’Oncle Sam.

Un an plus tard, Alice accouche de la petite Simone, alors que la famille s’installe à New York. Son rôle de mère ne l’empêche pas d’être encore plus active dans son milieu: elle fonde sa propre boite de production, Solax Studios, et tourne un film sur le territoire appelé The Doll. Omniprésente et adorée par les médias, elle restera comme la première réalisatrice à tourner un film aux Etats-Unis, ce qui lui vaudra de devenir la femme la plus riche des States.

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Be natural

La française est vue comme une femme moderne, et surtout visionnaire dans la façon de capturer ses films. Elle privilégie l’improvisation, et l’esthétique au naturel des femmes, c’est à dire sans maquillage. Elle fait d’ailleurs de “Be natural!” son credo, qu’elle répète avec insistance sur les tournages. Intrépide, elle remplace une actrice sensée monter à cheval sur le tournage de The Great Adventure, alors qu’elle est enceinte, ce qui laisse Herbert pantois. D’autre part, son mari étant un inaliénable séducteur, le couple commence peu à peu à se gangréner.

Bang bang

De tempérament jaloux, Alice contrôle de moins en moins ses émotions, fragilisée depuis toujours par l’instabilité de ses relations avec sa famille. Jusqu’au jour où, folle de rage, la cinéaste dérobe un pistolet et tire deux fois sur son époux. Celui-ci survit à ses blessures, ne porte pas plainte par amour pour sa femme, mais le couple est définitivement brisé. Herbert se remarie, tandis qu’Alice perd son dernier soutien et court à la ruine. Sa carrière se termine en queue de poisson, dans l’oubli de tous. Ou presque puisque certaines personnalités continuent de la citer en tant qu’inspiration, voire d’icône à la manière de Scorsese dans un discours de 2001 ou encore l’historien Maurice Gianati qui tentera de moderniser et compiler les montages d’Alice en 2010.

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Une exposition historique

Depuis le 15 avril, l’enseigne s’est installée au 104 à Paris afin d’y exposer des artéfacts du cinéma. Habituellement conservées dans le musée Gaumont, situé à Neuilly-sur-Seine, les pièces rassemblées pour l’exposition recouvrent l’histoire de la société de production, de 1895 à nos jours. Une prouesse historique incroyable, recensant des milliers d’affiches, des centaines de milliers de photos et d’articles de presse, et de scénarii entièrement dédiés à Gaumont. A ne pas rater, la collection d’appareils photographiques fabriqués par l’entreprise, retraçant l’évolution technologique de la décennie passée.

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De plus, les apprentis cinéastes seront ravis d’apprendre que de multiples ateliers et activités concentrées autour de la découverte du cinéma seront mis en place jusqu’au 5 août. Une occasion unique de découvrir les carrières du cinéma, les techniques utilisées, ses fondements, ainsi que des extraits de films rénovés. Le peintre François Boisrond viendra présenter ses oeuvres, tandis qu’une pièce interactive sera conçue par le photographe/écrivain/plasticien Alain Fleischer. Le tout sera complété par une présentation de costumes, d’anciens appareils de projection ou encore d’objets insolites du cinématographe. Des avants-premières sont aussi prévues. De quoi prendre une vraie leçon d’histoire, et de cinéma.

Tout les infos sont à retrouver sur le site officiel du 104.

Par @Drounix

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